11.3.14

Lyon, capitale du textile et de la résistance...

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Au Centre d'Histoire de la Résistance et de la déportation à Lyon, où je n'avais pas encore mis les pieds parce que venant de Normandie et avec mon nom de famille anglais, la guerre, j'en ai déjà beaucoup, vraiment beaucoup entendu parler...  (d'ailleurs, je reconnais tout de suite l'oeuvre d'art "The Knotted gun" du Mémorial pour la paix à Caen.)

Oui mais voilà, il y a une expo sur les vêtements faits de récup' pendant la guerre, et sur comment ces reliques servent à créer les costumes des films d'époque. Alors j'y vais, en plus c'est la première fois que je vais voir cette guerre "de l'autre côté", en zone libre.

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Je découvre des accessoires pas banals : un sac en bretelles, un chapeau en celluloid, une robe en rideaux... Des chaussures hautes en couleur, et quelles couleurs ! Reconnaissez-vous l'ancêtre de la converse en jean ?

Le plus savoureux, dans cette expo, c'est les commentaires qu'elle provoque :
"Oh, on parle de nous ! Les ouvrières de Chazelle ne perdent aucune rognure de feutre !" ou encore "Ah ben ma mère, elle m'avait fait un pantalon en parachute, j'm'en souviens bien."

On apprend aussi que c'est à cette époque qu'on invente le sac à bandoulière, puisqu'il faut tout faire à pied ou à vélo désormais. Rester à la mode, d'accord, mais faut que ce soit pratique quand même.

Bref, c'était la guerre, mais on portait toujours des couleurs vives. Et quelle élégance derrière ces rafistolages. Jeannette Ruplinger, une lyonnaise, nous le dit : "Le vêtement participe à la dignité des femmes. Ce n'est pas par coquetterie, c'est pour s'affirmer. Pour résister aux événements."

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D'autres paroles donnent envie de tourner la page "Oh, et moi qu'achetais mon tissu chez cette dame, c'était une collabo ben vrai..." ou même un glaçant "Oui, je suis venue ici du temps de la gestapo."
(Car le musée a été installé dans les locaux de la gestapo. Et l'expo a lieu dans la cave...)

Comme rien n'est ou tout noir ou tout blanc, dans ce musée, ils mettent des portraits de résistants allemands à côté de ceux des nazis, il ne faut pas tout confondre.

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Une visiteuse s'exclame "Ah ben quand ils ont tourné Lucie Aubrac juste en bas de chez moi, et qu'j'étais pas au courant, j'te dis pas la frayeur en sortant nez à nez avec des grands drapeaux nazis !"

Je regarde la cave dans son ensemble, je n'avais pas compris où j'étais vraiment, j'ai dû m'asseoir tout d'un coup.

Quel contraste de voir une robe Yves Saint Laurent exposée dans ces petites cellules sombres. C'est l'effet qu'il a provoqué en s'inspirant de ces années noires pour sa collection de 1971. Depuis, "le style quarante rétro", ça revient régulièrement. Une vieille dame rigole : "non mais tu crois pas que la mode, c'est un éternel recommencement ?"

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À la fin de l'expo, les couleurs de la libération : un corsage brodé spécialement par une femme pour accueillir la 2ème DB qui libère Paris.

Mon grand-père en faisait partie, ça me touche ! Des femmes montaient justement sur leurs chars avec des fleurs bleu blanc rouge dans les cheveux. Mais là, cette femme a carrément brodé en douce un corsage en espérant ce jour-là, un peu de résistance à sa manière.

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Par hasard, le soir, au musée des Beaux Arts...

J'assiste à la présentation d'un tableau en l'honneur de la journée de la femme. Le guide reparle de la résistance : il faut dire qu'à Lyon, on n'a fait que ça de résister depuis les Romains, alors !

Sur le tableau, Judith a coupé la tête d'Holopherne. "C'est une femme qui a eu le courage de se battre jusqu'au bout. Elle rappelle Jeanne d'Arc ou encore les grandes résistantes lyonnaises. Cette peinture date de 1847, il fallait oser !"

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